vendredi 11 janvier 2019

Le vin des rues - Robert Giraud

Présentation de l’éditeur
Robert Giraud n’est pas sérieux, c’est ce qu’en dit Robert Doisneau. Robert Giraud traîne sa silhouette le long des quais, renifle l’odeur de céleri des Halles et brûle ses nuits au bistrot. Chez Fraysse ou chez Paulô, assis au zinc devant un beaujolais, il raconte les histoires d’un Paris perdu, d’un Paris insolite sur le ton d’une simple conversation et avec le langage des rues mal éclairées. Dans ces histoires qui n’ont pour thèmes qu’amour, argent et honneur s’illustrent des personnages, écorchés et mythiques. Mais ne subsiste finalement qu’un acteur : le vin, sérum de vérité, qui délie les langues.
Robert Giraud, provincial de Limoges destiné à une carrière de notaire monte à Paris au milieu des années 40 et choisit une voix différente, celle de l’aventure. Poète, journaliste, écrivain et lexicologue, il est l’auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels Le Vin des rues (1955), qui obtient le Prix Rabelais et Le Royaume secret du Milieu (1969), consacré au royaume d’argot, à son peuple et à ses coutumes. Ami de Doisneau et Prévert, qu’il fréquente au bistrot, il est un explorateur du Paris by night tel qu’il ne sera plus.

C’est une succession d’historiettes, de tranches de vie, d’anecdotes de bistrots de la faune parisienne des années 40-50, par notre Bukowski national, j’ai nommé : Monsieur Bob… enfin, toute proportion gardée et en moins égocentrique ; le narrateur s’effaçant pour se concentrer sur l’essentiel : un portrait, un tableau, souvent tendre, des marginaux et des laissés-pour-compte, kaleidoscope bigarré de tronches en tous genres dans une gouaille argotique savoureuse ; les prostituées, celle qui se prostitue en achetant ses poireaux, le vendeur de tabac qui récolte les mégots, les clodos sous la voûte céleste, les piliers de bar, les voleurs à la petite semaine, l'habitué des bordels qui se fait payer son billet de retour par les mêmes qui lui ont vidé les "bourses"... C’est vraiment un livre que l’on descend comme une bonne bouteille de Saint-Emil'… Mais il faut tout de même avoir de l’estomac... Moi qui suis 100% Chti, et "ignare" (à l'époque de ma lecture), je ne connaissais pas du tout cette "mythologie" parisienne, que je croyais réservée à l’autre côté de l’Atlantique ; tous ces personnages si atypiques rendus si chaleureux par Mister Bob d'un Paris maintenant disparu et complètement oublié… Pour information, le titre est de Prévert et a été utilisé aussi pour un vrai bistrot de Paname...

" Comme dans n’importe quel métier d’homme, la nuit a ses apprentis, ses voyageurs, ses traînards, ses égarés, ses disciples, ses pigeons, ses figurants… Le bistrot est là, premier échelon à franchir, et auquel on ne résiste pas. Pourquoi lui résister, après tout. Depuis la fermeture des bordels, le bistrot est ouvert la nuit. Le solitaire a beau être un solitaire, le bistrot-tabac, telle une fille, cligne l’œil rouge de sa carotte, et son appel ne laisse jamais insensible, et puis il faut en passer par là. (...)Hommes de la nuit, ils sont là, faciles à voir, à reconnaître, du plus petit au plus grand, traînant tous les rades les uns après les autres comme si la farce était réglée à l’avance. Une lumière s’éteint, une autre s’allume et la remplace. La nuit a quelquefois aussi ses heures de fermeture. C’est ce qui est grave, le tout est d’en profiter au maximum, après on verra. "

" On but une longue gorgée avant d'allumer les cigarettes. Papillon qui avait chaud d'un revers de main remonta la visière de sa casquette qu'il ne quittait jamais et pour cause, elle lui servait enfoncée jusqu'au yeux à masquer le papillon, ailes déployées, qu'il s'était fait tatouer au milieu du front en correctance. C'était sa raison sociale : comme lui je vole, ça voulait dire tout simplement. "

" Quelques mois avant sa mort, nous embauchâmes Fréhel la Grande pour venir chanter ses vieux succès. (...)En pantoufles sur des socquettes de laine rouge, en jupe noire plissée de fille des Halles, poings sur les hanches, dans un coin de la piste elle regardait la salle puis se tournait vers l'accordéoniste.
- Vas-y, minet vert... "

" Ces rêveurs des rues sont morts en même temps que leur ville, car de Paris aujourd'hui, il n'existe plus guère qu'une cité vidée de ses entrailles. "

" Les amoureux de Paris sont des Sioux sur le sentier de guerre, la cigarette qu'ils allument parfois, ver luisant entre ciel et terre, indique le chemin du retour. "

D'autres extraits ICI et ICI.

Robert Giraud, Le vin des rues, Editions Stock/Ecrivins - 246 pages, au format d'une bouteille de pinard.
Robert Giraud dit Monsieur Bob

Sur le pouce...

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