vendredi 31 mars 2017

" Il est inutile de respecter les vivants, à moins qu'ils ne soient les plus forts. Dans ce cas, l'expérience conseille plutôt de lécher leurs bottes, fussent-elles merdeuses. Mais les morts doivent être respectés. "
Léon Bloy, Exégèse des Lieux Communs.

Panaït Istrati (1884-1935)

Panaït Istrati

jeudi 30 mars 2017

Méchanceté est Reine...

Copenhague Le Lundi 29 mars 1948,

«[…] Rien à faire avec les éditeurs. Ce sont des commerçants. C’est tout dire. Leur devoir est nous tondre à rien. Les journalistes de nous couvrir de merde. La couverture de fleurs horripile le lecteur. La couverture de merde le fait jouir au sang. Méchanceté est Reine. Haine déesse – Pour ça que ça m’excède qu’on parle ou écrive de moi n’importe où en bien ou en mal. C’est tout kif. Ces réactions sont toujours ignobles et désastreuses. Je préfère qu’on me considère comme mort. C’est déjà beau comme mort d’être moins haï des vivants. Une amie m’écrit que dans «Ici Paris» on a fait passer un écho où je suis paraît-il particulièrement sadique ! «d’après des lettres écrites par moi à des amis» !!! Je ne sais rien de cette saloperie. Moi sadique ? Moi qui me traîne depuis des années dans l’angoisse et la misère et l’ennui et la maladie. Moi dont toute la passion est d’arracher des ¼ de sommeil grâce au véronal… Qui m’en suis toujours tant foutu des turlupinades du sexe ! me voilà sadique ! pas plus qu’alcoolique hélas ! Tous les oublis et griseries me sont bien refusés. Vieux buveur d’eau, vieil emmerdé, naturellement chaste j’ai toujours décrit toutes espèces de dévergonderies pour voir s’en esbaudir les singes humains que je méprise tant ! Comme ils mouillent bichent y croyent les sapajous ! En font-ils des pataquès avec 3 misérables secondes de reproduction ! Comédies et drames et bites partout ! L’immense rigolade ! […]»

Louis-Ferdinand Céline, Lettres à Albert Paraz, 1947-1957, Nouvelle édition, p.80-81, ©Gallimard 2009.

mercredi 29 mars 2017

" Sachez avoir tort. Le monde est rempli de gens qui ont raison. C'est pour cela qu'il écoeure. "
Louis-Ferdinand Céline, Lettre à Henry Miller.

Bukowski en plein travail...

Charles Bukowski

mardi 28 mars 2017

Jouer au con avec un Suicidé en puissance...

A William Packard
Fin octobre 1985
«[…] Ce matin, je me suis payé un méchant duel de vitesse avec une espèce de connard sur l’autoroute de Pasadena, ma gueule de bois faisant resurgir instantanément de mes couilles et de ma tête à la François Villon les 3 bouteilles de Beaujolais picolées la veille. Je suis alors monté jusqu’à 140 à l’heure dans le Virage de la Mort, là où la chair humaine et les os sont fréquemment disloqués dans un violent éclair de néant cramoisi, et il a fini par ralentir, passant de la 5e à la 4e tout en faisant des appels de phares en signe d’abandon. Ca leur apprendra à vouloir jouer au con avec un Suicidé en puissance ! […]» p.348

Charles Bukowski, Correspondance 1958-1994, ©Editions Grasset. Trad. M.Hortemel

lundi 27 mars 2017

Nous bétail con...

Klarskovgaard Le 6 avril 1951,

« Ah fiston si tu penses que les éditeurs se fatiguent ! Ils vivent mon pote, c’est-à-dire qu’ils déconnent, bouffent, boivent, ronflent et baisent – et partent en voyages d’affoîres ! rien de plus, tous macs bien fainéants – le cerveau c’est un muscle malheureux – Ca s’atrophie vite et bien. Ils sont tous à zéro du cerveau – absolument incapables de travailler – L’atroce travail – C’est pour nous le travail, nous bétail con. Ils nous attendent.
Ils ont des « idées »… C’est encore un autre énorme genre de macs et bandits et atrophiés. Ces mecs à idéâââs ! les idéistes et les ideaaalistes !
Mais travailler c’est le contraire de vivre. C’est engraisser les macs. Je t’apprends rien – c’est triste – […]»

Louis-Ferdinand Céline, Lettres à Albert Paraz, 1947-1957, Nouvelle édition, p.373, ©Gallimard 2009.

John Fante (1909-1983)

John Fante

dimanche 26 mars 2017

Louis-Ferdinand Céline (1894-1961)

Louis-Ferdinand Céline

Les damnés

En plein midi
à une petite université près de la plage
à jeun
la sueur ruisselant sur mes bras
une goutte de sueur sur la table
que j’écrase du doigt
le prix du sang le prix du sang
mon dieu ils doivent croire que j’aime ça comme les
   autres
mais c’est pour le pain, la bière et le loyer

le prix du sang
je suis tendu nul mal foutu
pauvres gens je craque je craque

une femme se lève
sort
claque la porte

un poème cochon
on m’a dit de ne pas en lire
ici

trop tard.

je n’arrive pas à voir tous les vers
je lis à haute
voix
désespéré tremblant
nul

ils ne m’entendent pas
et je dis
j’arrête, voilà, c’est
fini.

et plus tard dans ma chambre
il y a du scotch et de la bièere.
le sang d’un lâche.
ce sera donc
mon destin :
grapiller un peu d’argent dans de petites salles
   sombres
en lisant des poèmes dont je suis depuis longtemps
lassé.

moi qui m’imaginais
que les hommes qui conduisaient les bus
ou nettoyaient les latrines
ou assassinaient dans les ruelles étaient des
idiots.

Charles Bukowski, Avec les damnés (Run With The Hunted, 1969~1993) ©Editions Grasset pour la traduction française.

vendredi 24 mars 2017

Comme Piaf tire ses chansons...

Meudon, 30 juillet 1952,

«[…] Ce qu’il y a : c’est que les éditeurs ont très bien pris leur parti de la voyoucratie libraire actuelle qui consiste à ne plus «suivre» un livre mais à tirer des «nouveautés» comme Piaf tire ses chansons – on épuise d’un seul service d’office ta nouveauté <2 ou 4 ans de boulot> et toi auteur TU PEUX CREVER…
Le public s’en fout l’éditeur s’en fout ! (plus les comptes d’auteur bien entendu) La qualité ne compte plus – Le libraire passe très très rarement commande – il risque : Aux services d’office il ne risque RIEN – CQFD – C’est pas sorcier […]»

Louis-Ferdinand Céline, Lettres à Albert Paraz, 1947-1957, Nouvelle édition, p.420, ©Gallimard 2009.

jeudi 23 mars 2017

Subir dignement l’humiliation...

Emil Cioran
“ Rater sa vie, c’est accéder à la poésie — sans le support du talent. ”

“ Point de salut, sinon dans l’imitation du silence. Mais notre loquacité est prénatale. Race de phraseurs, de spermatozoïdes verbeux, nous sommes chimiquement liés au Mot. ”

“ Il est incroyable que la perspective d’avoir un biographe n’ait fait renoncer personne à avoir une vie.”

“ La sagesse ? Subir dignement l’humiliation que nous infligent nos trous.

“ Le poète : un malin qui peut se morfondre à plaisir, qui s’acharne aux perplexités, qui s’en procure par tous les moyens. Ensuite, la naïve postérité s’apitoie sur lui… ”

“  Prolixe par essence, la littérature vit de la pléthore des vocables, du cancer du mot. ”

Emil Cioran, Syllogismes de l'amertume, Folio, 1952.
" La vie c’est des répétitions, jusqu’à la mort. "
Louis-Ferdinand Céline, Féerie pour une autre fois.

mercredi 22 mars 2017

Jacques Sternberg (1923-2006)

Jacques Sternberg

Le micro commande...

Meudon 23/4/55,

«[…] Ce qu’il m’a semblé à propos de TSF. c’est qu’elle n’était pas au point, à savoir qu’il est grotesque d’espérer que le bonhomme va se conformer aux exigences de la machine c’est à la machine, putain de foutre sort, à se rendre esclave absolue du mec ! D’où d’ailleurs ce ton sempiternel abominable des émissions ! le micro commande ! le micro pense ! cent mille fois idiot ! […]»



Louis-Ferdinand Céline, Lettres à Albert Paraz, 1947-1957, Nouvelle édition, p.468-469, ©Gallimard 2009.

mardi 21 mars 2017

confession

attendant la mort
comme un chat
qui sautera sur le
lit

je suis si triste pour
ma femme

elle verra ce
corps
raide
blanc

le secouera une fois,
peut-être deux :

« Hank ! »

Hank ne répondra
pas.

ce n’est pas ma mort qui
m’inquiète, c’est ma femme
laissée seule avec cette
pile de
néant.

je veux
qu’elle sache
cependant
que toutes les nuits
passées à dormir
à ses côtés

et même les futiles
disputes
ont toujours été
des splendeurs

et les mots
difficiles
que j’ai toujours eu peur de
prononcer
je peux à présent les
dire :

je
t’aime.

Charles Bukowski, Avec les damnés (Run With The Hunted, 1969~1993) ©Editions Grasset pour la traduction française.

lundi 20 mars 2017

Paul Léautaud (1872-1956)

Paul Léautaud

La santé...

" La santé est un bien assurément ; mais à ceux qui la possèdent a été refusée la chance de s’en apercevoir, une santé consciente d’elle-même étant une santé compromise ou sur le point de l’être. Comme nul ne jouit de son absence d’infirmités, on peut parler sans exagération aucune d’une punition juste des bien-portants. "
Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Folio, 1973.

dimanche 19 mars 2017

Charles Bukowski & Sean Penn



Métro... Boulot... Dodo...

Georges Perec
" Ainsi, voilà ma vie.
Métro, école, école, bibliothèque ou parfois un petit tour… maison, dîner, on écoute les nouvelles, la pluie, le beau temps, les dents de la nièce, l’ascenseur qui ne fonctionne pas, un peu de travail, le lit, parfois un livre, rarement un concert, plus rarement le théâtre, le cinéma… "
Georges Perec, dans une lettre à Jean Duvignaud.

mardi 14 mars 2017

Jules Renard - Journal (1887-1910)

“ Un monsieur glabre qui me parle tout le temps de mon livre. Comme je le trouverais insupportable s'il me parlait d'autre chose ! ”

“ Chaque matin songer aux gens qu'on va cultiver, aux pots qu'il faut arroser. ”

“ Ne jamais être content : tout l'art est là. ”

“ La guerre n'est peut-être que la revanche des bêtes que nous avons tuées. ”

“ Seigneur, aidez-nous, ma femme et moi, à manger notre pain quotidien de ménage ! ”

“ Si on reconnaît « mon style », c'est parce que je fais toujours la même chose, hélas ! ”

“ Le vrai bonheur serait de se souvenir du présent. ”

“ Très jeune, on a de l'originalité, mais pas de talent. ”

“ Il était si laid que, lorsqu'il faisait des grimaces, il l'était moins. ”

“ Il est bien malheureux que notre goût avance quand notre talent ne bouge pas. ”

“ J'attends l'inspiration, comme une pompe. Imiter la nature, je veux bien, mais qu'elle commence ! ”

dimanche 12 mars 2017

Paul Léautaud, une biographie...

Ces quelques citations de Paul Léautaud sont tirées d’une biographie de Martine Sagaert (« Paul Léautaud », Editions Le Castor Astral, collection Millésimes, 273 pages). Une biographie très intéressante et vivante qui fait la part belle aux extraits de son journal littéraire. On y apprend entre autres : l’amour qu’il portait aux animaux (plus son amour grandissait pour les animaux, plus sa misanthropie augmentait), ses nombreuses conquêtes féminines, son goût pour l’ « urologie », son intransigeance, et que le seul prix qu’il obtint fut celui attribuait par la SPA pour sa défense des animaux…

« Qu’est-ce qu’un écrivain ? c’est peut-être le plus artificiel des hommes, celui qui n’éprouve, n’entend, ne voit rien qu’il ne songe aussitôt à le transporter dans un livre, à l’utiliser littérairement. »
(Journal littéraire, 11 février 1906, t.1, p.267)

« L’amour, c’est le physique, c’est l’attrait charnel, c’est le plaisir reçu et donné, c’est la jouissance réciproque, c’est la réunion de deux êtres sexuellement faits l’un pour l’autre. Le reste, les hyperboles, les soupirs, les « élans de l’âme » sont des plaisanteries, des propos pour les niais, des rêveries de beaux esprits impuissants. La passion, c’est le feu que met en nous ce plaisir. »
(Amour, éd. Spirale, 1974, p.7)

« Etre curieux ? Ne blâmez pas ! C’est une qualité. […] Il faut être curieux le plus possible. Se mêler de ce qui ne vous regarde pas, écouter aux portes, regarder aux fenêtres pour voir ce qui se passe chez les gens, suivre d’autres dans la rue pour écouter ce qu’ils disent, lire les lettres qui trainent […], épier, écouter, regarder, fouiller, surprendre, découvrir, avec l’air de l’homme le plus indifférent […]. Les gens qui ne sont pas curieux sont des sots. La curiosité, c’est le besoin de savoir. Celui qui n’est pas curieux n’apprendra jamais rien. »
(Passe-temps, p.215-216)

« Un souffle. Une caisse. Un peu de musique d’église. Un trou. Un peu de terre par-dessus. Et bonsoir. »
(Journal littéraire, t.2, p.881)

« Il a même eu une place dans le caveau d’autrui, ce qui est la perfection du parasitisme. »
(Journal littéraire, t.2, p.1351)

« Ici gît Paul Léautaud
Plus connu : Maurice Boissard.
Il écrivait et parlait sans fard,
Immolant tout à un bon mot.
Quand on l’enterra : « C’est bien tôt ! »
Dirent quelques-uns, mais, à part,
Beaucoup pensèrent : « C’est bien tard. » »
(Journal littéraire, t.1, p.1750)

« Qu’est–ce, un chat, un chien morts, qu’on enfouit ? Mais qu’est-ce, un homme mort, qu’on enterre ? […] Rien de plus, ni rien de moins. »
(Journal littéraire, t.2, p.907-908)

« La guenon sur le radiateur, la chienne Miss sur son divan, avec deux ou trois chats couchés sur elle, le chien Toto couché au pied de mon lit, trois ou quatre chats couchés avec moi, dans le lit, un ou deux autres dessus, la chienne Barbette, dans mon cabinet à côté […]. Si des gens voyaient cela, ils diraient, et Marie Dormoy la première : « Si c’est possible de vivre ainsi ! ». Mais c’est charmant ! C’est délicieux, c’est un ravissement incessant : l’accord des chats et des chiens, les mines de la guenon suivant les évolutions des uns et des autres, leur parlant avec ses petits cris, accueillant un chat ou un autre à côté d’elle sur son radiateur. »
(Journal littéraire, t.3, p.263)

samedi 11 mars 2017

Quand il nous reste tant d’êtres à décevoir...

Emil Cioran
“ Je ne vis que parce qu’il est en mon pouvoir de mourir quand bon me semblera : sans l’idée du suicide, je me serais tué depuis toujours. ”

“ On cesse d’être jeune au moment où l’on ne choisit plus ses ennemis, où l’on se contente de ceux qu’on a sous la main. ”

“ Voulez-vous multiplier les déséquilibrés, aggraver les troubles mentaux, construire des maisons d’aliénés dans tous les coins de la ville ? Interdisez le juron. Vous comprendrez alors ses vertus libératrices, sa fonction thérapeutique, la supériorité de sa méthode sur celle de la psychanalyse, des gymnastiques orientales ou de l’Église, vous comprendrez surtout que c’est grâce à ses merveilles, à son assistance de chaque instant que la plupart de nous doivent de n’être ni criminels ni fous. ”

“ J’ai perdu au contact des hommes toute la fraîcheur de mes névroses. ”

“ De toutes les calomnies la pire est celle qui vise notre paresse, qui en conteste l’authenticité. ”

“ Le désir de mourir fut mon seul et unique souci ; je lui ai tout sacrifié, même la mort. ”

“ Pourquoi nous retirer et abandonner la partie, quand il nous reste tant d’êtres à décevoir ? ”

Emil Cioran, Syllogismes de l'amertume, Folio, 1952.

vendredi 10 mars 2017

Jules Renard - Journal (1887-1910)

“ Il faut que l'homme libre prenne quelquefois la liberté d'être esclave. ”

“ N'être pour soi pas trop sévère, et n'exiger des autres que la perfection. ”

“ Il n'y a qu'une chose qui me gênerait : c'est mon propre mépris ; mais, matériellement, je ne peux pas me cracher à la face. ”

“ Il garde son chapeau à cause des rhumes, l'ôte souvent par politesse, et le remet tout de suite par prudence. ”

“ Analyser un livre ! Que dirait-on d'un convive qui, mangeant une pêche mûre, en retirerait les morceaux de sa bouche pour voir ? ”

“ Renoncer absolument aux phrases longues, qu'on devine plutôt qu'on ne les lit. ”

“ Il faut dompter la vie par la douceur. ”

“ Oscar Wilde déjeune à côté de moi. Il a l'originalité d'être Anglais. ”

“ Pourquoi, en latin quotquot ne signifie-t-il pas le chant d'une poule ? ”

“ L'ironie est la pudeur de l'humanité. ”

mercredi 8 mars 2017

Une occupation d’insecte...

Emil Cioran
“ En vieillissant on apprend à troquer ses terreurs contre des ricanements. ”

“ Ne me demandez plus mon programme : respirer, n’en est-ce pas un ? ”

“ La meilleur manière de nous éloigner des autres est de les inviter à jouir de nos défaites ; après, nous sommes sûrs de les haïr pour le reste de nos jours. ”

“ On ne découvre une saveur aux jours que lorsqu’on se dérobe à l’obligation d’avoir un destin. ”

“ Plus encore qu’une réaction de défense, la timidité est une technique, sans cesse perfectionnée par la mégalomanie des incompris. ”

“ Lorsqu’on n’a pas eu la chance d’avoir des parents alcooliques, il faut s’intoxiquer toute sa vie pour compenser la lourde hérédité de leurs vertus. ”

“ Quand vous subissez la tentation du Bien, allez au marché, choisissez dans la foule une vieille, la plus déshéritée, et marchez-lui sur les pieds. Sa verve excitée, vous la regarderez sans lui répondre, pour qu’elle puisse, grâce au frisson que donne l’abus de l’adjectif, connaître enfin un moment d’auréole. ”

“ Le mendiant est un pauvre qui, impatient d’aventures, a abandonné la pauvreté pour explorer les jungles de la pitié. ”

“ Espérer, c’est démentir l’avenir. ”

“ Point d’action ni de réussite sans une attention totale aux causes secondaires. La « vie » est une occupation d’insecte. ”

Emil Cioran, Syllogismes de l'amertume, Folio, 1952.

mardi 7 mars 2017

lundi 6 mars 2017

On serait pépères...

"[…] Comme c’est vilain les hypocrites ! Pourquoi ils disent les Français qu’ils ont pas voulu la guerre ? Ils l’ont bel et bien voulue. Ils ont tous été derrière Daladier au moment de la Déclaration, tout autant que derrière Clemenceau, et puis après derrière Mandel et puis encore derrière Reynaud et puis derrière n’importe qui !… Cocorico ! 800 000 affectés spéciaux ! Et tous les écrivains avec ! et tous les journalistes avec ! Voici la simple vérité. 
Ils en voulaient pas de la guerre ? C’était bien simple, bien facile, ils avaient qu’à écrire une lettre chacun à leur député, qu’ils en voulaient pas de cette guerre, qu’ils en voulaient à aucun prix, sauf “casus belli” par l’Allemagne. Jamais on l’aurait déclarée. 
Ça leur coûtait chacun un franc. C’était vraiment de la bonne dépense et de la bonne démocratie. Je crois qu’on l’a sentie venir cette guerre, qu’on a été des plus prévenus, cent fois, mille fois plus qu’en 14 ! en toute connaissance de la cause ! À l’heure actuelle on serait pépères, dans la bonne vie, heureux et tout. La connerie a été donc faite, sciemment, délibérément, par une bande de cons. 
On aurait pas eu de prisonniers. On serait derrière notre belle armée, toujours redoutée, redoutable, derrière notre la Maginot intacte, on attendrait de faire les arbitres, on serait les caïds de l’Europe, adulés, respectés, pelotés, tout. […]"

Louis-Ferdinand Céline, Les Beaux Draps, 1941.

samedi 4 mars 2017

Qui vole un boeuf... pèse lourd.


Alphonse Boudard, Chroniques de mauvaise compagnie, La Cerise, Editions Presses de la cité/Omnibus.

vendredi 3 mars 2017

Comme le con qui serre tôt...

" La vanité masculine, Monsieur, fait grand cas du fond sonore qu’une femme donne à son plaisir et que Josyane donnait au sien, au point que les bordels chics d’autrefois tenaient à la disposition des amateurs, outre la chambre aux glaces que vous connaissez, une artiste spécialisée, « la frimeuse », dont les manifestations tapageuses étaient censées stimuler le client paresseux de la braguette. Ces manifestations, je n’ai rien ni pour ni contre à la condition qu’elles soient sincères et qu’elles restent modérées. Que la femme de votre vie laisse filer quelques soupirs d’ange et quelques froufrous d’ailes en sentant monter son plaisir, c’est flatteur et c’est la moindre des choses, non ? Les gémissements ou les grincements de dents ont leur charme. Les grondements et les râles font un peu tigresse, mais je m’en accommode. Les sanglots ? Leur côté théâtral me met mal à l’aise. Les rugissements et les hurlements, très peu pour moi ! Un solo de violoncelle, oui ! La Philharmonique de Berlin, non et non ! À tout prendre, je préfère la gentille simulatrice qui en fait un peu trop pour vous être agréable, à l’hystérique dont les brâmes de jouissance tiennent tout votre immeuble éveillé et vous valent un rappel à l’ordre plus ou moins amène de vos voisins ou de votre propriétaire. Certes, les geignements et les geindres de la gentille Josyane étaient sincères. J’en étais cependant gêné, et je parvins à la persuader d’y mettre la pédale douce et de passer, si vous voulez, du trombone à la flûte et du do majeur au sol mineur, comme le con qui serre tôt du même nom. "

Jacques Cellard, La chambre aux miroirs, Editions Le Cercle, 2001.

jeudi 2 mars 2017

Prémonitoire... les 35 heures...

Céline et son perroquet Toto
"[…] il me semble à tout bien peser que 35 heures c’est maximum par bonhomme et par semaine au tarabustage des usines, sans tourner complètement bourrique.
Y a pas que le vacarme des machines, partout où sévit la contrainte c’est du kif au même, entreprises, bureaux, magasins, la jacasserie des clientes c’est aussi casse-crâne écoeurant qu’une essoreuse-broyeuse à bennes, partout où on obnubile l’homme pour en faire un aide-matériel, un pompeur à bénéfices, tout de suite c’est l’Enfer qui commence, 35 heures c’est déjà joli. […]"
Louis-Ferdinand Céline, Les Beaux Draps, 1941.

mercredi 1 mars 2017

" La seule fonction de l’amour est de nous aider à endurer les après-midi dominicales, cruelles et incommensurables, qui nous blessent pour le reste de la semaine - et pour l’Éternité. […]
Comment tuer autrement ce temps qui ne coule plus ? Dans ces dimanches interminables le mal d’être se manifeste à plein. Parfois on arrive à s’oublier dans quelque chose; mais comment s’oublier dans le monde même ? "
Emil Cioran, Précis de décomposition.