dimanche 11 novembre 2018

Vivre en survivant : Démission, Démerde, Dérive - Jacques Sternberg

1977
2017
Je recopie ici la présentation de l’éditeur qui est, il me semble, une assez bonne entrée en matière: 
« Quand on m’a demandé de définir mon art de vivre, ou plus exactement de mettre le doigt sur ce qui pouvait passer pour mon « plaisir de vivre » je n’ai pas hésité plus d’une minute avant d’opter pour le superflu, l’inutile, le pas rentable, la vraie gratuité. Parce que le superflu m’a toujours paru le sel de la vie et que seuls les charmes de l’inutile peuvent vous aider à supporter les horreurs de l’indispensable quotidien. »
Écrivain prolifique, scénariste, anthologiste, journaliste, navigateur à voile et à solex, fondu de jazz et de dessins, ours acariâtre, dragueur impénitent, Jacques Sternberg (1923-2006) est un des très rares maîtres français de l’humour noir, dans la lignée d’un Bierce ou d’un Cioran.

“Très rares maîtres français de l’humour noir”, pas mal pour un belge !
Car oui, Jacques Sternberg était belge même si il vécut la majeur partie de sa vie à Paris.
Mais qui connaît encore Jacques Sternberg ?
Jacques Sternberg ? C’est qui ? C’est quoi ?
C’est une soixantaine de livres dont plus de 1500 contes (Contes glacés, 188 Contes à régler, Histoires à dormir sans vous, Histoires à mourir de vous, Contes griffus, 300 contes pour solde de tout compte…), seize romans, pièces et essais… ça vous pose un écrivain, si ce n’est un homme !
Pas mal pour quelqu’un qui se définissait volontier comme une flâneur, un dandy un peu glandeur...


Jacques Sternberg & Roland Topor
On le présenta aussi ainsi :
“Qui est Jacques Sternberg ? Un peu journaliste, un peu écrivain, un rien dessinateur, quelques nuances de journalisme, un grand enthousiasme joyeux pour la désespérance et la neurasthénie, enfin un spécimen typique de la faune qui hante et a toujours hanté depuis deux mille ans, les jungles assez civilisées de la rive gauche de la Seine au flanc des coteaux de Sainte-Geneviève et du Mont-Parnasse. Un avenir improbable le mènera probablement en un entresol d'une rue tranquille d'Auteuil où il écrira des contes charmants pour la jeunesse, couronnés par diverses académies." (Jean Gallian, Photo-Monde, n°33, mars 1954) 

Mais il se présentait mieux lui-même, avec une certaine lucidité :
"Il serait sans doute téméraire de prétendre que Sternberg est un écrivain incomparable, mais on peut en revanche affirmer que son itinéraire d'auteur n'est guère comparable à celui de ses confrères et contemporains. Peut-être parce que ce camé d'écriture est resté durant toute sa vie le cancre qu'il fut à l'école qu'il haïssait, incapable d'engranger les connaissances, enfermé à double tour dans sa lucidité d'ignorant imaginatif. Qui a toujours préféré l'effort physique à la réflexion intellectuelle, la course aux filles à la vaine recherche d'une métaphysique et les dérives consolantes aux servitudes du grand cross-country de la réussite. Cela donna une vie assez agitée malgré son sur-place dans l'espace et la pensée, une suite de dérapages provoqués par une constante confusion mentale et le refus de toute responsabilité sociale, avec comme nerf moteur une véritable soif d'écrire à travers tout, en état second le plus souvent, envolée exacerbée qu'aucun refus ou échec n'arriva jamais à contrer." (Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française par eux-mêmes)

Mais revenons au livre :
“Vivre en survivant”, est paru dans la collection "l'Ecole buissonnière" chez Tchou en 1977. En passant :  Quel magnifique titre ! Il ferait un admirable nom de blog ! Je m’en mords encore les doigts de ne pas l’avoir découvert avant...
Son sous-titre, tout un programme ; "Démission, Démerde, Dérive"...
Je me souviens…
Je me souviens avoir lu de Sternberg dans ma jeunesse, plutôt consacrée à la SF, deux recueils de nouvelles, de contes : “La sortie est au fond de l’espace” et “188 contes à régler” (celui-là, rien à voir avec de la SF, aux éditions Denoël et est merveilleusement illustré par Roland Topor, son ami).
Ensuite, bien des années après, j’ai découvert “Vivre en survivant” en ebook pirate car il n’était plus disponible depuis plus de  30 ans. Il est aujourd’hui réédité par les éditions “Le bateau ivre” (depuis 2017). Que je me suis d’ailleurs procuré bien qu’ayant déjà lu deux fois l’édition numérique. Adorant ce livre, je voulais qu’il trône dans ma bibliothèque. Je l’ai bien évidemment relu (et de 3!). Sur le livre papier : l’édition est très basique, on a juste le texte brut avec quelques erreurs de frappe en plus, pas de notes en bas de page, pas d’explications  complémentaires pour remettre le texte dans le contexte de l’époque, et on a perdu aussi les illustrations (de Jean Gourmelin) de l’édition originale. Bref, du bâclage dans la plus pure tradition française, quoi !

Mais de quoi s’agit-il ?
Le livre se termine ainsi :
“Je ne suis pas sûr d'avoir du goût, mais j'ai le dégoût très sûr." (Jules Renard) 
"Non seulement j'aurais pu écrire cette phrase mais je l'ai toujours sentie tourner dans ma tête. Je crois en effet qu'il est plus important de détester que d'aimer, car on aime en général à tort et à travers, dans le désordre, au petit bonheur la chance. Bref on finit par aimer n'importe quoi. Aussi bien Adamo, que Mozart, Sagan comme Faulkner, Armstrong ou Lopez, Topor et Faizant, Magritte et Bretécher et ainsi de suite. De plus quand on déteste violemment avant d'adopter avec indulgence, ce que l'on aime vraiment à une vérité qui pèse et laisse des traces. Il me serait difficile de faire le relevé de ce que je déteste par dessus tout - une encyclopédie - ne suffirait pas - mais il m'est plus aisé, et plus agréable, de donner dans le fouillis, sans ordre chronologique, sans idée de classement, tout ce qui m'a vraiment frappé de mon modeste passé enfance comprise."
Pour présenter son “Art de vivre”, Jacques Sternberg commence donc par dézinguer tout ce qu’il déteste ; c’est un véritable brûlot contre le travail, contre le boulot-métro-dodo, contre la vie en entreprise, contre la recherche de l’efficience à tout prix, contre l'ambition, contre la mesquinerie des petits chefs… d'une brûlante actualité donc... même quarante ans après...

“Qui donc a affirmé que l’esclavage avait été aboli sur cette terre ? Et sur quoi se base-t-on pour affirmer cela ? Que sont ces milliards de salariés à bas prix, condamnés au silence forcé, au zèle à perpétuité, à la réclusion durant huit heures par jour, sinon des esclaves ? On dit que l’esclavage n’a plus cours pour truquer les cartes, créer du mirage, ne pas éclabousser le système, ce qui entraverait la bonne marche des affaires, donc la marche triomphale du monde. Tout ce qui fait la gloire et la puissance, la fierté de l’insolence des patries – ces gros patrons – découle en effet de l’efficience, du fric, du rendement, du bénéfice, donc du travail. Pas pour rien que ce mythe sacré est celui qui est le mieux protégé. Le plus sûrement aspergé de guirlandes et de sucre candi par la morale, la religion, la justice, le bon sens et l’ordre social. Pas pour rien non plus que les employeurs, tout en les méprisant et en les exploitant, craignent leurs salariés comme la peste noire : eux seuls, en cessant de travailler, en déposant la pelle, le tampon ou la truelle, peuvent provoquer l’écroulement de tout un monde, l’explosion de tout un échafaudage. Même les révolutions ne peuvent pas dynamiter le mythe du travail : quand elles réussissent, on change simplement de patron, l’Etat tout-puissant remplace le rapace patron privé, on travaille aussi dur pour un salaire de famine sous la bannière sacrée du prolétariat divin, et il faut la boucler sous prétexte que tout écart de langage peut nuire au Bien du Peuple.”

Bien obligé de prendre un travail “normal” pour nourrir sa famille quand ses livres ne ramènent pas un kopec...
Il nous apprend quelques trucs et astuces pour supporter ce bagne : “profiter” du bureau pour assouvir ses passions, utiliser la photocopieuse (la ronéotypeuse à l’époque) pour diffuser son fanzine, lire et écrire pendant les heures de travail, être ponctuel tout en arrivant tous les jours en retard : Ah ! La ponctualité du retardataire ! Tout en réussissant malgré tout à satisfaire son chef... Aujourd’hui, tous ses conseils fonctionnent difficilement…

“Mon expérience personnelle n’a pas la valeur d’un exemple dans l’absolu, mais elle vaut ce qu’elle vaut puisqu’elle m’a quand même évité beaucoup d’heures fastidieuses de travail et autant de réveils à l’aube. Je me suis aperçu qu’en habituant un patron à des retards progressifs et bien dosés, on arrive à lui faire croire que l’on est un employé très ponctuel quand on arrive sur le coup de 10 h, tant il est vrai qu’il y a une loi de la ponctualité dans les retards constamment respectés. Le tout est d’agir avec le plus grand naturel, donc une certaine naïveté, un maximum de décontraction et infiniment d’ingénuité. Sans parler de l’humilité. Car il faut évidemment en revenir aux 9 h précises si par malheur on est pris en flagrant délit de retard délibéré.”
Il s’attaque aussi à la société de consommation, au consumérisme à outrance…

“Rien ne m’a jamais semblé plus louche que ce mythe du bonheur que l’on veut nous faire avaler à la cuiller, à l’entonnoir, selon un forcing de plus en plus spectaculaire. Plus le travail devient astreignant, bruyant, déprimant, plus on nous parle de loisirs enchantés. Plus les océans et les cieux comme la terre patrie deviennent pollués, plus on nous parle de paradis solaires et de natures régénératrice. Plus le cancer et l’asphyxie citadine gagnent du terrain, plus on nous parle de joie de vivre, de santé, d’éternelle jeunesse et de beauté corporelle.
C’est que le bonheur, ce gigantesque attrape-cons, est de toute évidence la plus formidable industrie à gros profits de cette dernière décennie. Pas pour rien que les marchands de bonheur pullulent, pas sans raison qu’ils font tous fortune. Tous n’ont qu’un seul but, une unique optique : vendre à tout le monde, à n’importe quel prix, du soleil, de la vague, du terrain, du béton, de l’électro-ménager, de la Hi-Fi, du gadget, du faux confort et de la vraie merde. Bref pousser à la consommation à outrance, à l’achat forcené, à la dépense, à la promotion. A la prospérité du commerce et de l’industrie, mamelles du pouvoir.”

Puis il nous parle de ses goûts personnels… loin des standards... qui l'aident à vivre...

“Je m’étais écroulé au plus profond d’un fauteuil, au fond même de mon angoisse et j’avais mis sur la platine de ma chaîne Hi-Fi un disque de Lester Young, le plus neurasthénique de tous les musiciens de jazz, j’avais pris sur mes genoux les Syllogismes de l’amertume de E.M. Cioran, l’écrivain le plus pessimiste de cette époque, et la lugubre alliance de ces deux tempéraments désespérés m’avait inoculé, non seulement un singulier réconfort, mais une véritable joie sauvage de tenir le coup, de sourire, de faire face, sans parler d’une réelle fierté triomphale d’être en vie, malgré tout en vie, envers et contre tous, contre la mort et la vie des cons, contre la société et les sociétés si bien anonymes, le fric et le froc, la frime et la fripe, la trique et le troc, les flics et les flaques, les trucs et le trac. Mes ennuis personnels, mes paniques et mes ratages, tout cela se mélangeait si bien à la nostalgie de Lester Young déjà mort et à celle de E.M. Cioran pas encore mort, mais pas plus optimiste pour autant, que cette alliance de cafards conjugués en arrivait à désespérer sur cette terre de cauchemar, que d’autres avaient ressenti les mêmes angoisses, les mêmes terreurs, les mêmes révoltes.”

...de sa fascination pour les choses inutiles, pour ses collages, ses photomontages, ses activités purement “gratuites”  et désintéressées… (Ce qui fait écho au manifeste de Nuccio Ordine : “L'Utilité de l'inutile”, aussi dans mon Top 100)

“Un de mes plus sûrs ratages rime richement avec les collages. Les collages – ou plus exactement les photomontages – m’ont passionné pendant plusieurs années, les plus difficiles de mon existence parallèle d’employé minable, et cette passion exercée en marge de mes horaires ne m’a jamais rien rapporté, à part une chose essentielle à mes yeux, une chose sans prix : elle m’a sans doute permis de tenir le coup à travers des emplois ingrats et les refus de tous les éditeurs qui me renvoyaient inexorablement tous mes manuscrits.”
Une de ses façons de s’évader est de prendre le large à bord de son dériveur (son Zef) pour échapper à la “grouillance” parisienne...

“Je revenais tellement gavé de vent du large, de soleil, de fatigue et de détente que , même quand je réfléchissais, je n’arrivais pas à penser. Je ne pouvais que regretter, nostalgier. Je barrais ma machine à écrire, mais même dans les moments de force 9 de l’inspiration, je n’arrivais pas à retrouver les tendres paniques d’un simple coup de vent de force 5 dans le cul d’un dériveur léger. Dans mes conversations les plus littéraires, je ne parlais que de sillages et d’étraves, d’aulofées loupées et de fardages mal fardées, de virements de bord pour remplacer les virements par chèques barrés et personne ne voyait exactement ce que je voulais dire. Je ne lisais plus que des manuels de nautisme qui me disaient comment virer contre le vent, ce que je dégustais avec ravissement alors que je savais d’instinct comment manœuvrer depuis plus de vingt ans. Je ne pelotais plus que des filles vêtues de chandails rayés bleu et blanc ou balafrées d’un sein à l’autre par les initiales de quelque célèbre Yachting Club fondé au cœur du XIXème siècle. Je marchais comme le Christ marchait sur les eaux, avec en plus une voile au cul. Je salivais de l’eau salée, je ne mangeais plus que des crevettes, des crabes ou des praires, au risque de m’empoisonner à force de pollution mari-saline. J’en arrivais à ramasser des moules dans ma baignoire et à voir des tempêtes dans mon évier. J’en venais à passer des heures à regarder la Seine charrier ses rats crevés et ses détritus en imaginant que cet égout devenait la Manche, l’Atlantique ou même une succursale acceptable du Pacifique pacipollué.”
Comme il fallait s’en douter, cet iconoclaste déteste la voiture et lui préfère le Solex ; il se vantait d’avoir parcouru 300 000 km avec cet engin… (Un écolo avant l’heure ?!)

“De tous les gadgets de ce siècle fou de records qui ne pense qu’à aller plus vite sans trop savoir où il veut aller, le Solex est le seul engin taré, ridiculement rétro, allergique aux éblouissants perfectionnements de la toute-puissante technique, celui qui a passé à travers tout sans tellement changer son esthétique sans souci de futurisme, ses inconvénients, ses avantages et surtout sans jamais avoir amélioré ses performances, donc sa pointe de vitesse qui, en trente ans, a dû passer de 32 km à l’heure à 36 km à l’heure, de quoi sourire à notre époque de jets, de super-jets et d’hyper-trucs plus rapides que le son ou la lumière.”
Mais sa plus grande passion reste sans conteste la Femme... Il essaye d’ailleurs d’esquisser son idéale féminin...

“(...) il est à la rigueur possible d’esquisser un portrait de la fille idéale pour dériver avec elle au fil d’éternelles vacances ou au bord de leur corps-plage. Physiquement, à mes yeux, l’indolente dériveuse ne peut en aucun cas être une sensuelle très brune, pleine de sperme et d’énergie, de sentiments et de flamme, une de ces femmes qui jouent volontiers de la croupe et de l’aguichage comme si elles jouaient de la guitare. D’abord, parce que je déteste ce type de femme, ensuite parce ces femmes nettement typées, un peu folkloriques, sont toujours trop remuantes, trop loquaces, trop agitées pour être supportées longtemps. Physiquement, au contraire, l’indolente de mes rêves oscille entre le châtain et le blond, elle a des yeux clairs de préférence, des traits bien marqués une peau pas exotique, elle est mince, pas trop grande, avec peu de seins et de très belles fesses, cela j’y tiens plus qu’à la prunelle de ses yeux. Et je la vois évidemment équivoque et tendre, ironique et volontiers méprisante, flemmarde et indifférente à toute réussite, humide et languide, un peu molle assez brumeuse, plus intelligente que cultivée, lucide surtout, assez désespérée car paniquée par la mort ivre de vivre libre, de vivre le moment même du présent sans souci d’un hypothétique lendemain. Et bien entendu, elle doit aimer la mer et le soleil, l’eau et les bateaux, le lit et le sable, la bicyclette et la flânerie, les images et la dérision, l’absurde et la musique. De même, elle doit détester avec calme et raison, le travail en général, le bureau en particulier, l’ambition et l’efficience, la vitesse et les performances, les horaires et les circuits organisés, la mode, les chiffons et la futilité, le confort inutile et les économies stupides les responsabilités et les actes d’autorité.”
Enfin, il fait le bilan de ses réussites littéraires (peu) et de ses échecs (nombreux)...

“Me voilà cependant projeté au pied du mur, en plein piège : si j’ai récupéré dans mon « art de vivre » la voile et le moteur du Solex, les travaux idiots et les humbles boulots, le cœur et le cul, il serait quand même assez provocant d’oublier, par coquetterie, la machine à écrire. Elle ne fait pas seulement partie de mon « art de vivre » elle a toujours été au centre de ma vie, pour ne pas avouer qu’elle a souvent été ma seule véritable raison de vivre. On me dira que, cette fois, me voilà bien loin des charmes de l’inutile que je vante avec tant de foi puisque la littérature peut être un excellent moyen de nutrition, de promotion. Non seulement elle peut nourrir son homme, mais elle peut le rendre aussi riche et presque aussi célèbre qu’un acteur de cinéma ou une vedette du ballon. C’est exact. Mais en ce qui me concerne, non seulement ma machine à écrire ne m’a jamais propulsé aux sommets de la gloire et de la fortune, mais elle aura pédalé à plein rendement dans la choucroute, donc dans l’inutile. Il faut croire que, même sur le terrain qui était vraiment mon fief, ma vérité, mon tremplin d’attaque, je devais être doué pour l’effort gratuit, le superflu exaltant.”

Et il termine par l'énumération en vrac, sur quelques pages, de ses goûts très sûrs…

“(...)Le Voyage au bout de la nuit de L.-F. Céline.Le suspense d’un beau match de tennis. Une dizaine de nouvelles de Marcel Aymé. En voyage avec le guide de conversation de J. Thurber. L’homme vu par Daumier. Le vieillard vu par Goya. Les yeux bleu-gris-vert ironiques et tendres, brumeux et languides. Asphalt Jungle de John Huston. Et toujours beaucoup de choses dans tous ses films. Les estuaires sinistres quand ils se jettent dans les mers. Nos amis d’Emmanuel Bove. Les mers et les bateaux vus par les peintres hollandais et anglais du XIXe siècle. Les Escargots de René Laloux et Roland Topor. Certains passages de Benjamin Peret.(...)“

Je n’ai pas encore parlé du style… Je trouve qu'il y a  une certaine poésie qui se dégage de ce texte, grâce notamment aux jeux sur les sonorités, sur les allitérations, à ses néologismes, à sa façon particulière d'agencer les mots... et à son humour !...
Pour moi, ce livre n’est pas ma madeleine de Proust mais ma petite tisane (je suis café)... une véritable pilule anti-déprime... contre la morosité... quand j’ai le blues du/au travail ou quand il m’arrive d’avoir envie d’arracher des têtes ou d’enfoncer des crânes (ou l'inverse)… je repense à ce livre ou je le relis, pour me calmer les nerfs… plus efficace et moins cher que toutes les pharmacies... J'aime son esprit libre, son côté anarchiste, son refus systématique de la normalité, sa recherche absolue de liberté !... et son ironie...
Tiens... je vais le relire... :-)

Jacques Sternberg, Vivre en survivant, Editions Le Bateau Ivre, 2017.

Source
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Pour en finir, quelques citations (pas piquées des hannetons) de Jacques Sternberg, cet éternel "optimiste", qui ne sont pas dans le livre :

« La vie est le seul raccourci d’un néant à un autre. »

« On devrait prendre l’habitude de promener les nouveau-nés dans les allées des cimetières pour les habituer très tôt à leur véritable avenir. »

« L’ambition des uns fait l’abolition des autres. »

« Je n’ai jamais nourri de haine particulière pour les innombrables pauvres cons sans pouvoir et souvent exploités de ce monde, mais j’ai toujours haï d’instinct les hommes de droite en demeurant sceptique en face de ceux qui se prétendent des hommes de gauche. »

PS: Jacques Sternberg fut aussi un rescapé de la guerre... Ceci explique peut-être cela...

7 commentaires:

  1. Merci d'évoquer cet auteur que je ne connaissais pas, mais qui devrait me plaire (j'ai toujours adoré la combinaison pessimisme et humour).
    J'hésite toutefois à l'acheter au vu de l'édition bâclée que tu évoques : avec le temps, je supporte de moins en moins de telles éditions foirées, mais on n'a guère le choix... et ce livre a l'air vraiment génial.
    Comment sont les autres Sternberg mentionnés et que tu as lus, comme les 188 contes à régler ?

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    1. j'en parle, car justement aujourd'hui il est peu connu...
      après je ne sais si il était vraiment pessimiste... il avait un regard très critique sur l'Homme, l'Humanité, le Monde en général... et l'absurdité du Monde...
      Pour l'édition, il faut relativiser... c'est la comparaison avec l'édition originale qui fait mal... mais c'est clair que 18euros pour 216 pages c'est pas bon marché ! (en plus, j'ai l'impression que c'est de l'"impression à la demande")
      quand je compare à ce livre à 15 euros y'a une sacré différence : http://thebinarycoffee.blogspot.com/2017/12/lecorche-vif.html
      et si tu as aimé mes extraits, tu devrais aimé...
      ce livre est un météor, il est unique dans sa bibliographie...
      il ne faut pas faire trop confiance à sa mémoire... les contes, je les ai lu il y a plus de 25 ans... et les "188 contes à régler" , j'ai vérifié, ont quand même une base SF pour les thèmes utilisés... c'est bref, très concis, un peu sec dans le style, "télégraphique", en 1/2,1,2 pages au plus ; 4ième de couverture : "En 188 contes-gouttes, Jacques Sternberg revient à la SF,... pour décliner ses haines et ses dégoûts sur le seul mode qui trouve grâce à ses yeux : l'absurde, l'humour noir, le sarcasme glacé."
      bref, rien à voir avec "Vivre en survivant"!

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  2. Ok pour les "Contes" !
    Pour "Vivre en survivant", je vais essayer de l'acheter d'occase sur Internet, 18€ pour 216 pages et une édition mal foutue = niet.
    Pour Mirbeau, voici un auteur que je veux lire depuis longtemps, mais qu'il est mal édité ! Les 2 livres dans ton top sont difficilement trouvables...
    Qu'en est-il des "21 jours d'un neurasthénique" ? L'as-tu déjà lu ?
    Je comptais acheter celui-ci en 1er, cela a l'air prometteur...
    "Le Journal d'une femme de chambre" ou "Le jardin des supplices" ont l'air un peu (trop ?) conventionnels, mais peut-être me trompé-je...

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    1. attention je n'ai jamais dit "mal foutu" !
      mais basique, juste le texte ! (ce qui est le minimum)
      tiens moi au jus pour Sternberg...
      Pour Mirbeau, c'est clair si t'as pas de lecteur ebook !
      c'est ma malédiction ! je m'entiche toujours d'écrivains introuvables! il faut chercher en livre d'occaz'!
      "21 jours d'un neurasthénique" et
      "Le Journal d'une femme de chambre" c'est du Mirbeau pur jus! (le "Le jardin des supplices" aussi :))
      je ne voulais pas tout mettre dans mon top 100! j'ai fait un choix drastique!
      mais oui, j'ai quasi tout lu...
      pour info (qqes critiques):
      http://www.legolb.com/search?q=mirbeau
      https://bookin-ingannmic.blogspot.com/search?q=mirbeau
      http://www.lepasgrandchose.fr/search?q=mirbeau

      le fan club:
      http://www.mirbeau.org/index.html

      les ebooks :
      http://www.leboucher.com/vous/base/catalogue3.html

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    2. rien n'est "conventionnels" avec Mirbeau! mais "21 jours d'un neurasthénique" est peut-être plus décousu que "Le Journal d'une femme de chambre" ; c'est un fix-up novel (http://en.wikipedia.org/wiki/Fix-up)

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  3. En furetant parmi les nombreux liens que tu proposes, j'en conclus que je peux commencer à peu près n'importe où pour Mirbeau ! Cela a l'air passionnant :)

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    1. il a un style magnifique (même si certains peuvent le trouver "vieilli")
      j'ai oublié mon lien :
      http://thebinarycoffee.blogspot.com/search/label/Mirbeau

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