jeudi 31 octobre 2019

Ce n'est pas Zalando mais Rakuten... Au secours !!! :)


Le Disgracié, Iouri Tynianov
L'année Du Mensonge, Andreï Guelassimov
Honni Soit Qui Malibu - Quelques Écrivains À Hollywood, Philippe Garnier
L'os Quotidien, Gaston Criel
Un Dernier Verre Au Bar Sans Nom, Don Carpenter
L'aventure Interieure - Entretiens Avec Jean-Pierre Pauty, Louis Calaferte
C'est La Guerre, Louis Calaferte
Jacques Sternberg Ou L'oeil Sauvage, Lionel Marek
Cocaïne, Pitigrilli
La Gana, Fred Deux 
Repas De Morts, Dimitri Bortnikov
Chemins Nocturnes, Gaïto Gazdanov
Cygnes Noirs, Gaïto Gazdanov

Rakuten

vendredi 11 octobre 2019

On m’apprend à avoir peur...

"(...) Education. La chasse aux instincts. On me reproche mes défauts ; on me fait honte de mes imperfections. Je ne dois pas être comme je suis, mais comme il faut. Pourquoi faut-il?… On m’incite à suivre les bons exemples ; parce qu’il n’y a que les mauvais qui vous décident à agir. On m’apprend à ne pas tromper les autres ; mais point à ne pas me laisser tromper. On m’inocule la raison – ils appellent ça comme ça – juste à la place du coeur. Mes sentiments violents sont criminels, ou au moins déplacés ; on m’enseigne à les dissimuler. De ma confiance, on fait quelque chose qui mérite d’avoir un nom : la servilité ; de mon orgueil, quelque chose qui ne devrait pas en avoir : le respect humain. Le crâne déprimé par le casque d’airain de la saine philosophie, les pieds alourdis par les brodequins à semelles de plomb dont me chaussent les moralistes, je pourrai décemment, vers mon quatrième lustre, me présenter à mes semblables. J’aurai du savoir-vivre. Je regarderai passer ma vie derrière le carreau brouillé des conventions hypocrites, avec permission de la romantiser un peu, mais défense de la vivre. J’aurai peur. Car il n’y a qu’une chose qu’on m’apprenne ici, je le sais ! On m’apprend à avoir peur.
Pour que j’aie bien peur des autres et bien peur de moi, pour que je sois un lieu commun articulé par la résignation et un automate de la souffrance imbécile, il faut que mon être moral primitif, le moi que je suis né, disparaisse. Il faut que mon caractère soit brisé, meurtri, enseveli. Si j’en ai besoin plus tard, de mon caractère – pour me défendre, si je suis riche et pour attaquer si je suis pauvre – il faudra que je l’exhume. Il revivra tout à coup, le vieil homme qui sera mort en moi – et tant pis pour moi si c’est un épouvantail qui gisait sous la dalle ; et tant pis pour les autres si c’est un revenant dont le suaire ligotait les poings crispés, et qui a pleuré dans la tombe ! (...)"

Georges DarienLe Voleur, 1897.

mercredi 9 octobre 2019

Tout objet aimé est au centre du paradis terrestre, c’est écrit…

Bohumil Hrabal
"(...) L’écrivain doit être, en premier lieu, lecteur de lui-même. L’écrivain doit se distraire en écrivant. Par ses textes il doit découvrir des choses qu’il ignore et non pas exprimer son moi exorbité.
A l’escabeau s’agrippe un vieillard en blouse bleue et en escarpins blancs, un brusque battement d’ailes dans un nuage de poussière, Lindbergh a traversé l’Océan.
J’arrête le bouton vert ; dans la cuve pleine de vieux papiers, je m’arrange une petite tanière, eh oui, je reste un gaillard, je peux être fier de moi, n’avoir honte de rien… Tel Sénèque entrant dans sa baignoire, je passe une jambe, j’attends un peu, l’autre jambe retombe lourdement, je me roule en boule, pour voir, puis à genoux, j’enfonce le bouton vert et me blottis dans le capiton de livres et de papier, dans une main je serre fort mon Novalis, le doigt posé sur la phrase bien-aimée, aux lèvres un sourire béat, car je commence à ressembler à Marinette et à son ange… Voici que j’entre dans un monde totalement inconnu, je tiens le livre, la page… Tout objet aimé est au centre du paradis terrestre, c’est écrit… Et moi, plutôt que d’emballer du papier vierge au sous-sol de l’imprimerie Melantrich, j’ai choisi ma chute, ici, dans ma cave, dans ma presse, je suis Sénèque et Socrate, voici mon ascension et, même si la paroi me plaque les jambes sous le menton ou pis encore, je ne me laisserai pas chasser du paradis, je suis dans mon souterrain dont nul ne peut m’exiler, on ne me fera pas changer de place, la tranche d’un livre me transperce les côtes, une plainte m’échappe, me suis-je soumis à la torture pour y découvrir l’ultime vérité ?
Le poids de la presse me plie en deux comme un canif d’enfant… En cet instant, je vois ma Tsigane, cette petite dont je n’ai jamais su le nom, je vois très nettement le Mont-Chauve, nous lançons le cerf-volant dans le ciel d’automne, elle tient le fil… Je regarde tout en haut, le cerf-volant possède mon visage douloureux et la Tsigane envoie un message le long du fil, d’en bas je vois qu’il progresse par saccades, le voici à ma portée, je tends la main… Il y avait écrit, en grosses lettres enfantines : ILONKA. Oui, c’était son nom, maintenant, j’en suis sûr."

Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude.💖

lundi 7 octobre 2019

ça laisse rêveur...

...si on remplace BD par livre...
et 500 BDs dans sa PAL... c'est pas mal !


Source : "Je possède plus de 26000 BD. Je n'ai plus le temps de tout lire"

A titre de comparaison, Umberto Eco avait 30000 ouvrages...

Plus elles sont bornées, butées, très rédhibitoirement connes, plus souveraines elles sont...

L.-F. Céline
"Pour parler franc, là entre nous, je finis encore plus mal que j’ai commencé… Oh, j’ai pas très bien commencé… je suis né, je le répète, à Courbevoie, Seine… je le répète pour la millième fois… après bien des aller et retour je termine vraiment au plus mal…  y a l’âge, vous me direz… y a l’âge !… c’est entendu !… à 63 ans et mèche, il devient extrêmement ardu de se refaire une situation… de se relancer en clientèle… ci ou là !… Je vous oubliais !… je suis médecin… la clientèle médicale, de vous à moi, confidentiellement, est pas seulement affaire de science ou de conscience… mais avant tout, par-dessus tout, de charme personnel… le charme personnel passé 60 ans ?… vous pouvez faire encore mannequin, potiche au musée… peut-être ?… intéresser quelques maniaques, chercheurs d’énigmes ?… mais les dames ? le barbon tiré quatre épingles, parfumé, peinturé, laqué ?… épouvantail ! clientèle, pas clientèle, médecine, pas médecine, il écoeurera !… s’il est tout cousu d’or ?… encore !… toléré ? hmm ! hmm !… mais le chenu pauvre ?… à la niche ! Ecoutez un peu les clientes, au gré des trottoirs, des boutiques… il est question d’un jeune confrère… « oh, vous savez, Madame !… Madame !… quels yeux ! quels yeux, ce docteur !… il a compris tout de suite mon cas !… il m’a donné de ces gouttes à prendre ! midi et soir !… quelles gouttes !… ce jeune docteur est merveilleux !… » Mais attendez un peu pour vous… qu’on parle de vous !… « Grincheux, édenté, ignorant, crachotteux, bossu… » votre compte est réglé !… le babil des dames est souverain !… les hommes torchent des lois, les dames s’occupent que du sérieux : l’Opinion !… une clientèle médicale est faite par les dames !… vous les avez pas pour vous ?… sautez vous noyer !… vos dames sont débiles mentales, idiotes à bramer ?… d’autant mieux ! plus elles sont bornées, butées, très rédhibitoirement connes, plus souveraines elles sont !… rengainez votre blouse, et le reste ! (...)"

Louis-Ferdinand Céline, D’un château l’autre.💖

samedi 5 octobre 2019

Et alors je pourrais enfin pisser tranquille...

4 juillet 1961

(...) j’ai appris par la radio la mort de Céline. Si je l'avais suivi, on aurait dit encore une fois que je l'avais imité... Écrivez de longues phrases, on dira que vous copiez Proust. Qui devait tout à Saint-Simon. Soyez sombre, soyez désespéré, vous voilà kafkaïen. Lyrique, c'est du Claudel. Amer, du Léautaud. Vous n'y échapperez pas. Si vous continuez pendant quelques années, on finira par se servir de votre nom pour étiqueter les nouveaux venus.

Roger Rudigoz, A tout prix, journal d'un écrivain, Editions Finitude.💖
Roger Rudigoz

jeudi 3 octobre 2019

Si ça peut vous faire plaisir, je veux bien être chuif...

21 juin
- J'ai eu un moment de trouille quand on est passé devant l'expert aryen. Les copains, il les avait à peine regardés, mais à moi, il m'a dit, ce mauvais, avec l'air d'être en colère : "Comment que vous appelez ? Clin ?" J'y ai répondu : "Oui, Clin Alfred, comme vous voyez sur le papier." "Et d'où que vous êtes ?", qu'il me demande. "De la Sarthe", que j'y réponds. "Et qu'est-ce que vous faites comme métier ?", qu'il me demande. "Garde-chasse", que j'y réponds. "C'est pas vrai, vous êtes chuif !", qu'il se met à gueuler, en plein dans ma figure. Et il me commande : "Laissez tomber cette couverture", et me voilà donc tout nu. Il me dit : "Couvrez-vous !..." Je me rentortille dans ma couverture. Il me dit : "Pourquoi que vous vous appelez Clin si vous n'êtes pas chuif ?" J'y réponds : "Parce que mon père s'appelle comme ça, Clin Alfred. Chez nous, vous avez toujours le même nom que votre père." Il me dit : "Et votre mère, comment qu'elle s'appelle de son nom de jeune fille ?" J'y réponds: "Ma mère, c'est une demoiselle Bastard, Marie-Louise de son petit nom." Il crie encore une fois : "Quand on s'appelle Clin, on doit être chuif !" J'y réponds : "Ecoutez, moi j'ai jamais vu de chuif, je ne sais pas ce que c'est, mais je suis pas le gars contrariant, et si ça peut vous faire plaisir, je veux bien être chuif." Là, il se marre, et puis il me dit : "A quel âge avez-vous fait votre première communion ?" J'y réponds : "A onze-douze ans. J'étais même premier en catéchisme." Il dit : "Je vous salue, Marie. Vous continuez !..." Je continue : "Pleine de grâce..." Il dit : "Arrêtez, c'est suffisant, vous êtes pas chuif, malgré que vous appelez Clin. Au suivant !..." Le suivant, il avait tout écouté. Vous vous rappelez qu'en sortant de l'expert aryen, on avait droit à la soupe ? Le suivant, il passe à la soupe après moi, et il me dit : "T'as eu tout du con de lui dire que tu voulais bien être juif, tu vois les emmerdements que tu aurais eus ?" Je lui réponds : "Non, je vois pas. Quels emmerdements ? Même que je serais juif, je suis prisonnier de guerre comme tout le monde, non ? Pourquoi que comme juif j'aurais des emmerdements de plus que les autres copains ?" Il dit : "Ce serait trop long à t'expliquer."(...) Dans la vie, on a toujours l’air d’une andouille, soit sur une chose, soit sur l’autre. (...) p.127-128

César Fauxbras, La Débâcle, Editions Allia.💖
César Fauxbras

mardi 1 octobre 2019

Le loisir de lire et de rêver...

(...) Je préférais vagabonder dans des lieux sauvages et battus par tous les vents, sans un sou, sans abri et sans rien à manger, plutôt que de courber l'échine devant les décrets du destin.
La route m'offrit un joyau inestimable, le loisir de lire et de rêver. Si j'en sortis usé, vieilli et assagi à vingt ans, elle me donna aussi pour compagnons les plus grands esprits de tous les temps qui me parlaient avec des mots royaux.
Quand j'en avais assez des revers de fortune et des rebuffades des prudes, je pouvais m'adresser à ce bon vieux Sam Johnson, avec son étrange mélange de naïveté et de philosophie. Je pouvais aimer Goldsmith. Je pouvais entendre Chatterton dire : "je suis un poète, Monsieur." Je me promenai avec lui dans les rues de Londres et je pleurai quand il avala le poison. Je pouvais flâner dans une ruelle anglaise avec Coleridge et y rencontrer John Keats. Je pouvais m'arrêter alors que Keats se retournait en s'exclamant : "Laisser-moi emporter le souvenir de cette poignée de main, Coleridge!" Et je pouvais entendre Coleridge répondre : "On sent la mort dans cette main." (...)

Jim Tully, Vagabonds de la vie – Autobiographie d’un hobo, Editions du Livre de Poche.💖
Jim Tully