dimanche 26 mars 2017

Les damnés

En plein midi
à une petite université près de la plage
à jeun
la sueur ruisselant sur mes bras
une goutte de sueur sur la table
que j’écrase du doigt
le prix du sang le prix du sang
mon dieu ils doivent croire que j’aime ça comme les
   autres
mais c’est pour le pain, la bière et le loyer

le prix du sang
je suis tendu nul mal foutu
pauvres gens je craque je craque

une femme se lève
sort
claque la porte

un poème cochon
on m’a dit de ne pas en lire
ici

trop tard.

je n’arrive pas à voir tous les vers
je lis à haute
voix
désespéré tremblant
nul

ils ne m’entendent pas
et je dis
j’arrête, voilà, c’est
fini.

et plus tard dans ma chambre
il y a du scotch et de la bièere.
le sang d’un lâche.
ce sera donc
mon destin :
grapiller un peu d’argent dans de petites salles
   sombres
en lisant des poèmes dont je suis depuis longtemps
lassé.

moi qui m’imaginais
que les hommes qui conduisaient les bus
ou nettoyaient les latrines
ou assassinaient dans les ruelles étaient des
idiots.

Charles Bukowski, Avec les damnés (Run With The Hunted, 1969~1993) ©Editions Grasset pour la traduction française.

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