dimanche 31 mars 2019

Sylvia Plath 1932-1963

"ça sent le gaz, non ?!", Sylvia Plath.
Destins tragiques

2 commentaires:

  1. Voici la dernière lettre écrite par Sylvia Plath avant son suicide, adressée à son ancienne psychiatre avec qui elle entretenait une correspondance. Elle est tirée de The Letters of Sylvia Plath, Volume 2, edited by Peter K. Steinberg and Karen V. Kukil (Faber & Faber, sept. 2018)

    À Ruth Tiffany Barnhouse Beuscher

    Lundi 4 février 1963

    Chère Dr. Beuscher,

    [...] En tant que poétesse, écrivaine, je pense que je suis très narcissique & le désespoir d’avoir 30 ans & d’avoir laissé ma vie filer, n’avoir rien étudié pendant des années, n’être parvenue à maîtriser aucun domaine de connaissance me fait l’effet d’un vent glacial accusateur. Juste là, ça m’est tout simplement une torture de m’habiller ou prévoir de faire la cuisine, mettre un pied devant l’autre. Ironiquement mon premier roman à propos de ma dépression obtient des critiques élogieuses. Et je me dis qu’un simple acte de la volonté suffirait à rendre le monde stable & solide. Personne ne peut me sauver sauf moi-même, mais j’ai besoin d’aide et mon médecin m’envoie chez une psychiatre. Vivre de mon esprit, de mes écrits — même seulement en partie, est affreusement difficile en ce moment, c’est si subjectif & ça a tant besoin d’objectivité. Pour la première fois depuis le mariage, je vois des gens indépendamment de Ted, mais ma propre absence de centre, de maturité, me tourmente horriblement. Je suis consciente qu’il y a une lâcheté en moi, un désir de baisser les bras. Si je pouvais étudier, lire, prendre plaisir à voir des gens de mon côté, le départ de Ted serait difficile, mais je ferais avec. Mais il y a ce satané froid glacial, qui s’introduit de lui-même. Me voilà soudain agonisante, désespérée, et pensant Oui, laissons-le se répandre dans toute la maison, prendre les enfants, que je meure & fin de l’histoire. Comment pourrais-je sortir de ce cycle effroyablement défaitiste & grandir. Je ne sais que trop que c’est impossible pour moi de compter sur un nouvel amour ou un mari en ce moment, je suis incapable d’être moi-même & de m’aimer moi-même.
    Maintenant les bébés pleurent, je dois les emmener au thé.
    Avec amour,
    Sylvia.




    Sylvia Plath – Le bord (Edge, 1963)

    La femme s’est accomplie
    son corps mort

    porte le sourire de l’accomplissement
    l’illusion d’une obligation grecque
    coule dans les rouleaux de sa toge

    Ses nus
    pieds semblent vouloir dire:
    Nous sommes arrivés si loin, tout est fini.

    Chaque enfant mort est enroulé, un serpent blanc,
    Près de chacun une cruche de lait
    maintenant vide.

    Elle les a replié contre son corps
    comme des pétales
    d’une rose refermée quand le jardin
    se fige et que les parfums saignent
    des douces, profondes, gorges de la fleur de la nuit.

    La lune n’a pas a s’en désoler,
    fixant le tout de sa cagoule d’os.
    Elle a tant l’habitude de cela.
    Sa noirceur crépite et se traîne.

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