Pitigrilli (Dino Segre) |
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Il savait que les filles commencent par des retards de cinq minutes et finissent par des retards de quinze jours et même davantage. Toute la morale sexuelle, au fond, ne tend qu’à conjurer, chez les filles, le danger des retards.
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C’était une jolie femme. Elle avait dit être mannequin chez un grand couturier du quartier de l’Opéra. Fraîche, élégante, décorative, elle avait toutes les qualités requises pour faire une amante idéale. On ne peut vivre sans maîtresse à l’étranger. Celui qui ne réussit pas à en trouver une est obligé, au bout d’un mois, de retourner dans son pays.
Celle-là était la femme qui ferait oublier la patrie, changer de résidence, renier votre nationalité.
Dès qu’un homme seul arrive dans un pays étranger, il éprouve une désolante impression de solitude. La pensée revient, insistante, au paysage, aux rues, aux murs qu’il a quittés. Mais s’il rencontre une femme prête à se donner, elle constitue aussitôt pour lui un monde nouveau, une patrie nouvelle ; sa tendresse, sincère ou simulée, forme autour de lui une sorte de capsule protectrice. C’est une espèce d’exterritorialité, une sorte de droit d’asile. La femme est pour l’exilé un morceau de sa terre en terre étrangère. Le commissariat de l’émigration devrait instituer aux frontières un service de femmes pour les émigrants solitaires.
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La femme est le prisme de cristal à travers lequel il faut regarder les choses pour les trouver belles.
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Les femmes, dans notre coeur, sont comme les affiches sur les murs. Pour cacher la première, on colle par-dessus une autre affiche qui la recouvre entièrement. Peut-être que, sur le moment, quand la pâte est encore fraîche et le papier encore humide, à travers la seconde on continue d’entrevoir vaguement, par transparence, les couleurs de la première. Mais bientôt il n’en reste plus trace. Et lorsque la seconde se décolle, elles tombent ensemble toutes deux, vous laissant la mémoire et le coeur nus comme un mur.