Jeudi 8 décembre 1932
J’ai reçu son livre à sa publication, avec un envoi, ce qui me donne à peser qu’il (Céline) me connait comme écrivain. Il est encore dans mon casier, dans mon bureau. Pas lu, naturellement. Je l’ai regardé un peu, ce soir, sur ce que m’en disait Auriant, qui en parle comme d’un livre remarquable (…) Le peu que j’ai lu, je ne crois pas que ça me plairait beaucoup. Je n’ai pas beaucoup de goût pour la littérature de mœurs populaire.
Jeudi 13 juin, 1936
Arrivent ensuite Gaston Gallimard et sa femme. On se met à table. Conversation, moi muet tout d’abord, sur le dernier roman de Céline : Mort à crédit. Unanimité à le célébrer. Grand déplaisir pour ma part à entendre parler d’un livre et le célébrer sous le jour d’une chose réussie, bien combinée, produisant bien ses effets, comme un tour de force difficile et réussi, la difficulté à vaincre etc. etc. Je n’ai jamais pu voir la littérature sous cet aspect On me demande mon avis. Je dis que lorsque j’ai reçu le premier Céline :«Voyage au bout de la nuit», je l’ai feuilleté et quand j’ai vu ce vocabulaire je l’ai laissé là, que je n’ai lu du nouveau que des extraits dans des articles de critiques et que cela me suffit. Je n’ai aucun goût pour ce style volontairement fabriqué, que les inventions ne m’intéressent pas comme sujet ni comme forme. J’ajoute que dans moins de cinq ans, on ne pourra plus lire un livre de ce genre.
Paul Léautaud, Journal littéraire, Mercure de France.
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