mercredi 22 février 2017

le jeu de la baise

un truc vraiment horrible,
c’est
de se retrouver au lit
nuit après nuit
avec une femme que l’on n’a plus
envie de baiser.

elles vieillissent, elles ne ressemblent plus
à rien - elles ont même tendance à
ronfler, à perdre
leur entrain.

alors, dans le lit, il arrive qu’en se retournant,
vos pieds touchent parfois les siens -
bon sang, c’est affreux ! -
et la nuit est là dehors
derrière les rideaux
qui vous enferme ensemble
dans la
tombe.

et le matin vous allez dans la
salle de bains, passez dans le couloir, parlez,
tenez des propos bizarres sur des oeufs frits et des moteurs
à démarrer.

mais assis face à face
il y a 2 étrangers
fourrant des toasts dans leurs bouches
brûlant leurs têtes et leurs tripes douloureuses avec du
café.

dans 10 millions de foyers en Amérique
c’est la même chose :
deux vies desséchées s’appuyant l’une sur
l’autre
et nulle part où
aller.

vous montez dans la voiture
vous vous rendez au boulot
et là-bas il y a encore plus d’étrangers, la plupart
maris et femmes de quelqu’un
d’autre, et à côté de la guillotine du travail, ils
flirtent et plaisantent et se pincent, et parfois même
réussissent à aller baiser en vitesse quelque part -
ils ne peuvent pas le faire chez eux -
puis ils
retournent chez eux
en attendant Noël ou la fête du travail ou
dimanche ou
quelque chose.

Charles Bukowski, Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines (The Days Run Away Like Wild Horses Over the Hills, 1969) ©Editions du Rocher pour la traduction française, 2008.

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