" La vanité masculine, Monsieur, fait grand cas du fond sonore qu’une femme donne à son plaisir et que Josyane donnait au sien, au point que les bordels chics d’autrefois tenaient à la disposition des amateurs, outre la chambre aux glaces que vous connaissez, une artiste spécialisée, « la frimeuse », dont les manifestations tapageuses étaient censées stimuler le client paresseux de la braguette. Ces manifestations, je n’ai rien ni pour ni contre à la condition qu’elles soient sincères et qu’elles restent modérées. Que la femme de votre vie laisse filer quelques soupirs d’ange et quelques froufrous d’ailes en sentant monter son plaisir, c’est flatteur et c’est la moindre des choses, non ? Les gémissements ou les grincements de dents ont leur charme. Les grondements et les râles font un peu tigresse, mais je m’en accommode. Les sanglots ? Leur côté théâtral me met mal à l’aise. Les rugissements et les hurlements, très peu pour moi ! Un solo de violoncelle, oui ! La Philharmonique de Berlin, non et non ! À tout prendre, je préfère la gentille simulatrice qui en fait un peu trop pour vous être agréable, à l’hystérique dont les brâmes de jouissance tiennent tout votre immeuble éveillé et vous valent un rappel à l’ordre plus ou moins amène de vos voisins ou de votre propriétaire. Certes, les geignements et les geindres de la gentille Josyane étaient sincères. J’en étais cependant gêné, et je parvins à la persuader d’y mettre la pédale douce et de passer, si vous voulez, du trombone à la flûte et du do majeur au sol mineur, comme le con qui serre tôt du même nom. "
Jacques Cellard, La chambre aux miroirs, Editions Le Cercle, 2001.
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