mardi 21 janvier 2020

Etre heureux me prenait tout mon temps...


«(…) Sur le quai, deux hommes nettoyaient d’énormes tonnes qui empestaient le soufre et la lie. L’odeur de melon n’est bien sûr pas la seule qu’on respire à Belgrade. Il y en a d’autres, aussi préoccupantes ; odeurs d’huile lourde et de savon noir, odeurs de choux, odeurs de merde. C’était inévitable ; la ville était comme une blessure qui doit couler et puer pour guérir, et son sang robuste paraissait de taille à cicatriser n’importe quoi. Ce qu’elle pouvait déjà donner comptait plus que ce qui lui manquait encore. Si je n’étais pas parvenu à y écrire grand-chose, c’est qu’être heureux me prenait tout mon temps. D’ailleurs, nous ne sommes pas juges du temps perdu. »

Nicolas Bouvier, L'usage du monde, p.46, Editions La Découverte/Poche.💖

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