29 avril 1960
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Curieuse existence que celle de l’écrivain, pauvre qui passe de son taudis, de son galetas, de son atelier, aux salons, aux cocktails, reçu en égal par des célébrités, puis replonge dans sa misère… Il faudrait avoir le courage d’aller mendier à la sortie du métro, ou devant la porte de son éditeur : on serait arrêté, cela ferait quelque bruit.
Il faut bien dire que dès qu’on a vu votre nom dans le journal on ne vous considère plus du tout comme un homme normal. C’est un peu comme si on avait assassiné ou volé. Au début, je parlais de mes livres autour de moi. Depuis quelque temps, je cache ça comme un forfait.
Les petits bourgeois ne peuvent s’empêcher de considérer l’écrivain comme un ennemi, une sorte de terroriste dont il faut se méfier. On vous fait de grands sourires, mais, en dessous, c’est le couteau… Le côté espion, agent de renseignements de l’écrivain. Il regarde, il observe, il prend des notes, il publie ce qu’il a vue, il dénonce. Un homme peu recommandable en quelque sorte.
(...)
Dans le métro, deux jeunes filles parlaient de Stendhal. Je me suis approché sans en avoir l’air. Mon non, c’était d’un “scandale” qu’il s’agissait.
Roger Rudigoz, Saute le temps, journal d'un écrivain 1960-1961, Editions Finitude.💖
Excellent.
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