25 avril 1960
Complètement assommé par le tran-tran. Mes patrons sortent d’un roman de Loti revu et corrigé par la Comtesse de Ségur. Je ne les déteste pas, mais j’ai envie de les tuer quatre fois par jour. Les pauvres diables s’ils ne voient pas dans quel cycle infernal ils sont emportés avec leur rendement, leur production, et toutes ces bêtises qui ne les empêcheront pas de faire de bons cadavres comme nous tous! A quelques pas de chez eux se trouve une menuiserie travaillant pour les Pompes funèbres. On entend la scie mécanique débiter des planches de cercueils toute la journée. Elle hennit, elle siffle, elle chante, elle crie, c’est vraiment folichon. Les cafés du quartier sont remplis de fossoyeurs. Les voitures corbillards se croisent au carrefour du matin au soir. Un jour, le patron entendra siffler et grincer ses quatres planches sans se douter de rien.
Je pourrais plaquer tout ça, mais ce serait alors la bohème, l’enfant et la femme dans le pétrin, les notes d’hôtel impayées, etc. Je n’écrirai plus une ligne. On ne peut pas s’installer sous un pont, avec une machine à écrire sur les genoux…
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