(...) Je préférais vagabonder dans des lieux sauvages et battus par tous les vents, sans un sou, sans abri et sans rien à manger, plutôt que de courber l'échine devant les décrets du destin.
La route m'offrit un joyau inestimable, le loisir de lire et de rêver. Si j'en sortis usé, vieilli et assagi à vingt ans, elle me donna aussi pour compagnons les plus grands esprits de tous les temps qui me parlaient avec des mots royaux.
Quand j'en avais assez des revers de fortune et des rebuffades des prudes, je pouvais m'adresser à ce bon vieux Sam Johnson, avec son étrange mélange de naïveté et de philosophie. Je pouvais aimer Goldsmith. Je pouvais entendre Chatterton dire : "je suis un poète, Monsieur." Je me promenai avec lui dans les rues de Londres et je pleurai quand il avala le poison. Je pouvais flâner dans une ruelle anglaise avec Coleridge et y rencontrer John Keats. Je pouvais m'arrêter alors que Keats se retournait en s'exclamant : "Laisser-moi emporter le souvenir de cette poignée de main, Coleridge!" Et je pouvais entendre Coleridge répondre : "On sent la mort dans cette main." (...)
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