«(…) Sur le quai, deux hommes nettoyaient d’énormes tonnes qui empestaient le soufre et la lie. L’odeur de melon n’est bien sûr pas la seule qu’on respire à Belgrade. Il y en a d’autres, aussi préoccupantes ; odeurs d’huile lourde et de savon noir, odeurs de choux, odeurs de merde. C’était inévitable ; la ville était comme une blessure qui doit couler et puer pour guérir, et son sang robuste paraissait de taille à cicatriser n’importe quoi. Ce qu’elle pouvait déjà donner comptait plus que ce qui lui manquait encore. Si je n’étais pas parvenu à y écrire grand-chose, c’est qu’être heureux me prenait tout mon temps. D’ailleurs, nous ne sommes pas juges du temps perdu. »
Nicolas Bouvier, L'usage du monde, p.46, Editions La Découverte/Poche.💖
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