«(…) Au chaud dans une grosse veste de feutre, un bonnet de fourrure tiré sur les oreilles, on écoute l’eau bouillir sur le primus à l’abri d’une roue. Adossé contre une colline, on regarde les étoiles, les mouvements vagues de la terre qui s’en va vers le Caucase, les yeux phosphorescents des renards. Le temps passe en thés brûlants, en propos rares, en cigarettes, puis l’aube se lève, s’étend, les cailles et les perdrix s’en mêlent… et on s’empresse de couler cet instant souverain comme un corps mort au fond de sa mémoire, où on ira le rechercher un jour. On s’étire, on fait quelques pas, pesant moins d’un kilo, et le mot « bonheur » paraît bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive.
Finalement, ce qui constitue l’ossature de l’existence, ce n’est ni la famille, ni la carrière, ni ce que d’autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature, soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l’amour, et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible cœur. »
Nicolas Bouvier, L'usage du monde, p.111-112, Editions La Découverte/Poche.💖
Magnifique. J'ai adoré ce livre.
RépondreSupprimertu m'étonnes... :)
SupprimerJe tâcherai de le lire cette année ! Très beau passage en effet, qui donne aussi envie de (re)lire du Walser...
RépondreSupprimerJe vais essayer d'en poster d'autres plus ou moins longs...
SupprimerComme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs.
RépondreSupprimerPuis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi,
devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer,
à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr.
Nicolas Bouvier, L'Usage du monde
*SPOILER ALERT* extrait de la fin du livre
SupprimerMerci d'avoir mis surement mon dernier post (après d'autres) sur le sujet :)
si avec ça K. (Knulp) ne se décide pas...
Un très beau livre, dont une des vertus est de faire voyager par la pensée le lecteur assis. Merci pour la citation et bonne année.
RépondreSupprimer+1
Supprimerça fait plaisir de ne pas être le seul à aimer ce livre...
bonne année à toi aussi !
et merci d'être passé.