«[…] La nature ne dit rien à l’enfant ni au jeune homme. Pour en comprendre l’infinie beauté, il faut la regarder avec des yeux déjà vieillis, avec un cœur qui a aimé, qui a souffert. […]»
«[…] Qu’est-ce que tu dois chercher dans la vie ?… Le bonheur… Et tu ne peux l’obtenir qu’en exerçant ton corps, ce qui donne la santé, et en te fourrant dans la cervelle le moins d’idées possible, car les idées troublent le repos et vous incitent à des actions inutiles toujours, toujours douloureuses, et souvent criminelles… Ne pas sentir ton moi, être une chose insaisissable, fondue dans la nature, comme se fond dans la mer une goutte d’eau qui tombe du nuage, tel sera le but de tes efforts… Je t’avertis que ce n’est point facile d’y atteindre, et l’on arrive plus aisément à fabriquer un Jésus-Christ, un Mahomet, un Napoléon, qu’un Rien… Ecoute-moi donc… Tu réduiras tes connaissances du fonctionnement de l’humanité au strict nécessaire : 1° L’homme est une bête méchante et stupide ; 2° La justice est une infamie ; 3° L’amour est une cochonnerie ; 4° Dieu est une chimère… Tu aimeras la nature ; l’adoreras même, si cela te plaît, non point à la façon des artistes ou des savants qui ont l’audace imbécile de chercher à l’exprimer avec des rythmes, ou de l’expliquer avec des formules ; tu l’adoreras d’une adoration de brute, comme les dévotes, le Dieu qu’elles ne discutent point. S’il te prend la fantaisie orgueilleuse d’en vouloir pénétrer l’indévoilable secret, d’en sonder l’insondable mystère… adieu le bonheur ! […]»
«[…] Les religions – la religion catholique, surtout – se sont faites les grandes entremetteuses de l’amour… Sous prétexte d’en adoucir le côté brutal – qui est le seul héroïque -, elles en ont développé le côté pervers et malsain, par la sensualité des musiques et des parfums, par le mysticisme des prières et l’onanisme moral des adorations… […]»
Octave Mirbeau, L’Abbé Jules, Editions Milles Pages/Mercure de France, 1888.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire