Viens de paraître...
Un gamin de Paris devenu auteur populaire. « Le soleil ne brille jamais autant qu'un matin de levée d'écrou. » Alphonse Boudard avait acquis dans ses années de galère le goût des choses simples. Né de père inconnu et d'une mère qui le confie dès la naissance à un couple de paysans, il a vécu l'humiliation et la misère sous l'Occupation, avant de rejoindre la Résistance et de participer à la Libération de Paris. Il n'aura ensuite de cesse d'échapper aux usines auxquelles il était destiné, et ses mauvaises fréquentations le conduiront une première fois en prison - dont il sortira gravement malade. Pendant près de dix ans, il alterne les séjours dans des cellules putrides et les salles communes de sanatoriums guère plus engageantes. Il y connaîtra la plus noire débine et les mauvais traitements. Mais il y croise aussi les vedettes des faits divers de l'après-guerre et y lit les meilleurs auteurs, qui lui permettent de s'échapper de ses six mètres carrés de béton. Au fond du trou, entre deux hostos, deux interrogatoires, deux condamnations, il trouvera la force de devenir écrivain en publiant La Métamorphose des cloportes (1962), devenu un classique du film policier. Deux romans, La Cerise (1963, prix Sainte-Beuve) et L'Hôpital (1970), vont faire de lui un des auteurs les plus populaires de son époque. Premiers jalons d'une autobiographie qui est aussi un tableau sans fard de la France. Maître du bitume parisien (L'Argot sans peine, 1970), il avait décidé une fois pour toutes de faire rire ses lecteurs avec les plus terribles histoires. Mais Boudard, c'est aussi le dialoguiste de Gabin, de Lino Ventura... Un mémorialiste hors pair (Mourir d'enfance, 1995, grand prix de l'Académie française), des amitiés indéfectibles et le goût du bonheur dans les pires circonstances. Il meurt à 75 ans, après avoir lancé un dernier « Merde à l'an 2000 », comme un ultime coup de revolver avant de rendre les armes. Retour sur le parcours exceptionnel d'un gamin de Paris devenu un héros de roman et l'inventeur de sa propre vie.
Démêlant le vrai du faux de cette existence soigneusement romancée, Dominique Chabrol retrace le parcours d’un gamin de Paris devenu l’inventeur de sa propre vie – dont quelques-uns des personnages se nommaient Céline, Paraz, Gabin, Ventura, Simenon, Brassens, Audiard ou Nucéra.
Dominique Chabrol, Alphonse Boudard, une vie à crédit, Editions Ecriture, Janvier 2020, 464 pages.
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On en parle ICI & ICI.
"(...) Après le kinographe, on sirotait des alcools dans un club… Je m’emmerdais alors à dépérir. Douce pénombre, trompette sangloteuse… ça me fout le noir à l’âme… le vague ! Je manque de toc pour aller me remuer le prosinard sur la piste… “Tu ne sais pas t’amuser, mon coeur.” Petite concession au slow, c’est pas fatiguant… bien obligé…
“Tu danses bien quand tu veux, mon chéri…”
Je pensais que c’était préférable de faire carrément le julot… On passe relever ses compteurs… Quelques mandales, coups de pompe ! Plus de mon amour !... “Ta monnaie vite ! ton carbure salope, et retourne aux asperges, que je te revoies pas avant vingt sacs !” Simplicité, lignes pures… en maquerotage comme en Art, que ce soit net. Jadis j’aurais pu me lancer dans la carrière. Je n’avais pas vingt ans, ça se présentait comme des petits fours sur un plateau. A cette époque je préférais de Gaulle." (La Cerise)
"(...) mais dans l’ensemble elle se tenait de la fesse et du téton. Beau raconter ceci cela que le pognon ne fait rien à l’affaire, il lui avait tout de même permis de tenir la rampe avec le sport, les soins esthétiques… genre lifting… les onguents magiques… et surtout, mais cela elle n’en avait pas conscience, parce qu’elle n’avait jamais été soumise aux lois du Dieu Travail. Se décaniller du lit aux aurores… se faire coincer dans le métro entre les voyageurs repoussant de la gueule et des arpions… l’atelier qui bourdonne comme une ruche bien sûr… la cadence à tenir… la cantine où l’on se fabrique plutôt de la mauvaise graisse que la silhouette haricot vert de M’sieur Dior. Pour s’extirper de la mouscaille prolétarienne, lorsqu’on est belle môme, on peut éventuellement se mettre le cul en position de tirelire… D’ici que ça devienne un coffre-fort faut tout de même en écosser sérieux…" (Chère Visiteuse)
"(...)
- Fumez bandes de tantes ! C’est du belge !
Volte-face biroute en pogne. Il dirige son jet vers le Dodge... Il lissebroque haut... dru... glorieux... puissant !
- Et vive ma gaule ! Je vous encule tous !
Voila... Net et sans bavure... La stupeur passée, les G.I.’s se fendent de plus belle. Ils l’acclament... Bravo ! Hip ! Hip ! Hip ! Hourrah !... Eféfay ! Hourra Eféfay ! Calmement, il range sa chopotte, se reboutonne. Il peut l’exhiber, je reconnais... il est monté, l’adjudant Gaspard, impossible de ne pas tomber dans l’expression toute faite... comme un véritable bourricot !
[...] En érection ça doit effaroucher plus d’une gonzesse et pas que les fillettes pucelles... les mères de famille aussi, je suis sûr... jusqu’aux putes, il nous le dira par la suite... Certaines le remboursent dès qu’il leur présente son objet. Ça surprend un braquemart pareil sur ce mec plutôt petit, malingre, rabougri. Son blaze, d’ailleurs, lui va quart de poil. En argot, je précise pour les lecteurs tout à fait caves, les demoiselles snobs du Ranelagh, les provinciaux, les séminaristes... un gaspard c’est un rat.
(...)
Jeunot, tout vous est prétexte pour déconner à pleines marmites. La cause est entendue, n’importe laquelle... toc ! c’est la bonne ! Dans mon quartier... le XIIIe, c’était avant-guerre plutôt l’ambiance en casquette... Commune de Paris... L’Internationale et les meetings antifascistes. Les permanences Doriot-Déat n’avaient pas eu gros succès... non plus la légion contre le bolchevisme. L’idée me serait pas venue d’aller tâter l’aventure en uniforme vert-de-gris sur les bords de la Volga. Le Maréchal grand-papa gâteux, je le trouvais pas non plus très bandant... j’aimais pas son genre voilà tout. Peut-être court comme explication... n’allant pas très loin, ni profond... j’admets. Rétrospectif je devais me creuser à la Camus... vous baver des majuscules... ça me poserait parmi les élites. Je loupe l’occase délibéré. A dix-huit piges on s’engage beaucoup plus facile qu’à quarante, voila tout." (Bleubite)
"(...) mais dans l’ensemble elle se tenait de la fesse et du téton. Beau raconter ceci cela que le pognon ne fait rien à l’affaire, il lui avait tout de même permis de tenir la rampe avec le sport, les soins esthétiques… genre lifting… les onguents magiques… et surtout, mais cela elle n’en avait pas conscience, parce qu’elle n’avait jamais été soumise aux lois du Dieu Travail. Se décaniller du lit aux aurores… se faire coincer dans le métro entre les voyageurs repoussant de la gueule et des arpions… l’atelier qui bourdonne comme une ruche bien sûr… la cadence à tenir… la cantine où l’on se fabrique plutôt de la mauvaise graisse que la silhouette haricot vert de M’sieur Dior. Pour s’extirper de la mouscaille prolétarienne, lorsqu’on est belle môme, on peut éventuellement se mettre le cul en position de tirelire… D’ici que ça devienne un coffre-fort faut tout de même en écosser sérieux…" (Chère Visiteuse)
"(...)
- Fumez bandes de tantes ! C’est du belge !
Volte-face biroute en pogne. Il dirige son jet vers le Dodge... Il lissebroque haut... dru... glorieux... puissant !
- Et vive ma gaule ! Je vous encule tous !
Voila... Net et sans bavure... La stupeur passée, les G.I.’s se fendent de plus belle. Ils l’acclament... Bravo ! Hip ! Hip ! Hip ! Hourrah !... Eféfay ! Hourra Eféfay ! Calmement, il range sa chopotte, se reboutonne. Il peut l’exhiber, je reconnais... il est monté, l’adjudant Gaspard, impossible de ne pas tomber dans l’expression toute faite... comme un véritable bourricot !
[...] En érection ça doit effaroucher plus d’une gonzesse et pas que les fillettes pucelles... les mères de famille aussi, je suis sûr... jusqu’aux putes, il nous le dira par la suite... Certaines le remboursent dès qu’il leur présente son objet. Ça surprend un braquemart pareil sur ce mec plutôt petit, malingre, rabougri. Son blaze, d’ailleurs, lui va quart de poil. En argot, je précise pour les lecteurs tout à fait caves, les demoiselles snobs du Ranelagh, les provinciaux, les séminaristes... un gaspard c’est un rat.
(...)
Jeunot, tout vous est prétexte pour déconner à pleines marmites. La cause est entendue, n’importe laquelle... toc ! c’est la bonne ! Dans mon quartier... le XIIIe, c’était avant-guerre plutôt l’ambiance en casquette... Commune de Paris... L’Internationale et les meetings antifascistes. Les permanences Doriot-Déat n’avaient pas eu gros succès... non plus la légion contre le bolchevisme. L’idée me serait pas venue d’aller tâter l’aventure en uniforme vert-de-gris sur les bords de la Volga. Le Maréchal grand-papa gâteux, je le trouvais pas non plus très bandant... j’aimais pas son genre voilà tout. Peut-être court comme explication... n’allant pas très loin, ni profond... j’admets. Rétrospectif je devais me creuser à la Camus... vous baver des majuscules... ça me poserait parmi les élites. Je loupe l’occase délibéré. A dix-huit piges on s’engage beaucoup plus facile qu’à quarante, voila tout." (Bleubite)
Alphonse Boudard |
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